2014, Où vous pouvez investir ?

 L’an dernier, les experts avaient suggéré quelques belles trouvailles pour faire fructifier les épargnes . Voici leurs conseils pour cette année.

Il y a ceux qui investissent comme s’ils étaient au casino. D’autres qui ne jurent que par les comptes d’épargne ou… leur matelas. Mais entre ces deux extrêmes, il y a quand même un spectre assez large pour réfléchir un peu à notre stratégie de placement.
Ceux qui se sont tenus éloignés des marchés boursiers en 2013 ont raté une belle occasion d’engranger de bons rendements, notamment aux États-Unis, où l’indice phare S&P 500 a progressé de plus de 25 %. Et ceux qui craignaient de voir l’Europe s’effondrer en raison de l’endettement de certains pays constatent aujourd’hui que l’euro a toujours cours légal et que plusieurs Bourses nationales ont déjà rebondi.
Il y a un an, L’actualité avait fait appel à quatre spécialistes québécois des marchés financiers pour déceler quelques tendances lourdes. S’ils ont pu errer sur certains points (nul n’est prophète !), la plupart ont tout de même vu plutôt juste sur d’autres aspects, notamment la surperformance du marché boursier américain et la léthargie du secteur des ressources naturelles, qui a plombé la Bourse de Toronto.
Ils ont accepté de refaire l’expérience pour 2014 et de nous faire part de quelques- unes de leurs meilleures idées de placement, que l’on trouvera après leur analyse générale de la situation.

Après la progression de 2013, comment les marchés boursiers nord-américains se comporteront-ils en 2014 ?


« Il y a un potentiel haussier, mais de toute évidence on ne devrait pas connaître de hausse de 25 % encore cette année », dit Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale. Il s’attend à une progression boursière de 5 % à 10 % au sud de la frontière, contre une hausse de 3 % à 5 % environ au Canada, auxquelles il faut ajouter le rendement de dividendes d’environ 2 % à 3 %.
Stephen Gauthier, chef des investissements à Fin-XO Valeurs mobilières, partage son point de vue. Il s’attend à une meilleure performance du marché boursier américain, en raison de la diversité des entreprises qui composent ses principaux indices, alors que plus de 35 % de l’indice de la Bourse de Toronto est constitué de titres miniers et énergétiques. « L’économie mondiale croît lentement et la surcapacité de production dans les ressources maintient une pression à la baisse sur les prix des matières premières », explique-t-il.
De la même manière, François Têtu, vice-président et conseiller en placements à Valeurs mobilières Desjardins, mise davantage sur les sociétés américaines. Il se montre toutefois prudent en raison de leur progression marquée en 2013. « Actuellement, le marché américain est bien évalué. S’il devait y avoir une correction à la baisse en 2014, ce serait le bon moment d’acheter », suggère-t-il.
Seule Dominique Vincent se montre plus optimiste à l’égard du marché canadien, pour lequel elle prévoit un rendement de 12 % (dividendes compris), contre 10 % aux États-Unis. « Au Canada, le secteur financier va bien et on s’attend à une reprise du côté de l’énergie », note la vice-présidente et gestionnaire de portefeuilles de MacDougall, MacDougall & MacTier. Elle pense que le marché canadien « a du rattrapage à faire » et que le secteur des ressources devrait mieux faire dans la deuxième moitié de l’année. 

Qu’en est-il des taux d’intérêt ? 

Nos experts sont unanimes : les taux d’intérêt pourraient augmenter, mais leur progression sera très limitée. « L’inflation restera faible », prédit Stéfane Marion. Ainsi, la Banque du Canada n’aura pas beaucoup de motifs pour justifier une hausse de son taux directeur. Son gouverneur, Stephen Poloz, a dit en décembre que celui-ci devrait demeurer stable « pour un bon moment ».

« Sa seule motivation reposera sur ce que fera la Réserve fédérale américaine », ajoute Stephen Gauthier. Si les taux sur les obligations à très court terme reprennent une courbe ascendante au sud de la frontière, il en sera de même ici, croit-il. Les taux sur les obligations longues de 10 ans et plus ont d’ailleurs commencé à augmenter des deux côtés de la frontière en 2013.

Dans ce contexte, François Têtu déconseille l’achat d’obligations gouvernementales à long terme. Il privilégie les titres dont l’échéance est inférieure à cinq ans, surtout ceux émis par les entreprises. « Une bonne stratégie consiste à répartir ses fonds sur cinq années, de façon qu’on puisse les renouveler à mesure que les taux augmenteront », explique-t-il. Dominique Vincent privilégie aussi le court terme. Dès qu’elle en trouve, elle achète pour ses clients des certificats de placement rapportant 2 % sur un an.

 Y a-t-il des secteurs susceptibles de procurer de meilleurs rendements, tandis que d’autres traîneront la patte ?

« Je sors de l’or ! » répond immédiatement Dominique Vincent. L’once a plafonné à 1 900 dollars en 2011 et n’a cessé de décliner depuis, jusqu’à près de 1 200 dollars. La crise financière, la crainte d’une récession mondiale et les taux d’intérêt au plancher étant derrière nous, plus rien ne pousse à la hausse le prix de cette valeur refuge.

En fait, le secteur des ressources naturelles dans son ensemble demeure problématique. Avec une économie mondiale qui croît faiblement, la demande de métaux se fait anémique. Les titres énergétiques trouvent quand même grâce aux yeux de Stéfane Marion, qui espère voir au Canada le déblocage de projets d’infrastructures, notamment du côté des pipelines, ce qui entraînerait une hausse des profits des sociétés pétrolières de l’Ouest lorsque le prix de leur pétrole rattrapera celui des marchés internationaux.

Stephen Gauthier évite le secteur des matières premières et les titres des banques canadiennes, tout comme François Têtu. « On fait des profits en revendant une partie des actions des banques, qui ont beaucoup augmenté en 2013 », dit ce dernier, qui préfère miser maintenant sur les institutions américaines, qu’il juge sous-évaluées.

Parmi les institutions financières, Dominique Vincent privilégie les compagnies d’assurances, comme Manuvie, dont la rentabilité s’est améliorée récemment. Les entreprises de services publics et de télécommunications, alléchantes parce qu’elles paient de bons dividendes, deviendront par contre moins attrayantes avec la remontée des taux.

Stephen Gauthier mise sur les entreprises qui produisent des biens de consommation courante ou qui sont actives dans le domaine de la santé, comme les sociétés pharmaceutiques ou les détaillants. Ce sont des secteurs non cycliques qui résistent mieux à la plupart des chocs économiques, dit-il.

Où, dans le monde, serait-il mieux d’investir ?

Cette année encore, nos experts s’entendent sur les États-Unis. L’économie y reprend du mieux et les entreprises sont solides. En outre, le dollar américain devrait s’apprécier en 2014, selon Stéfane Marion et François Têtu, ce qui augmentera les rendements sur les titres négociés dans cette devise.

Stephen Gauthier ne recommande pas les pays « émergents », même la Chine. Ces pays vont bien lorsque l’économie mondiale est en bonne santé, mais ils éprouvent des difficultés lorsqu’elle piétine. Le Brésil, par exemple, va mal parce que les ressources naturelles (mines et pétrole) occupent une place importante dans son économie.

François Têtu penche encore pour l’Europe. La crise de la dette dans certains pays a fait des dégâts. Mais on trouve de l’autre côté de l’Atlantique des entreprises de grande envergure et bien gérées. Les Bourses ont d’ailleurs commencé à rebondir en 2013.

Quels risques pourraient compromettre ces perspectives ?

Selon Stephen Gauthier, une remontée trop brusque des taux d’intérêt pourrait causer beaucoup de dommages. « L’endettement des pays et des ménages est facile à supporter quand les taux sont près de zéro », souligne-t-il. Stéfane Marion s’interroge quant à lui sur la fin des achats massifs d’obligations par la Réserve fédérale américaine. « On ne connaît pas l’ampleur de ce qu’elle va faire ni toutes les ramifications. Ça pourrait créer de la volatilité. »
Une autre source de préoccupation : la Chine. François Têtu note que l’immobilier commercial à Hongkong connaît une croissance exponentielle, et qu’une chute des prix pourrait faire très mal aux banques chinoises. Dominique Vincent s’inquiète surtout de l’importance du financement non bancaire des ménages et de certaines infrastructures, qui pourrait conduire en Chine à une crise comme celle que les États-Unis ont connue en 2008-2009.

Enfin, il y a le Japon, troisième économie mondiale, dont la dette publique dépasse 220 %. « En théorie, ce pays est en faillite », conclut Stephen Gauthier.


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